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Nous avons la montre, ils ont le temps.

1er mai 2011

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Le bureau du controle technique

En Afghanistan, s’il y a bien quelque chose qui ne fonctionne vraiment pas, c’est bien l’administration. Entre chaos sans nom et course infernale, notre cœur balance. Nous devons obtenir un carnet de passage en douane ou « road pass » (sorte de passeport pour le véhicule) qui nous permettra de sortir du territoire Afghan et de traverser tous les autres pays.

Aurel avait lancé cette démarche administrative il y a plusieurs mois déjà sachant que ça prendrait du temps. C’est Yosuf, un ami qui est aussi directeur de la chaîne de Télévision Nationale Afghane (Tolo TV) qui s’occupe de notre dossier. Il a de très bons contacts dans les ministères, ce qui facilite la tâche, enfin… Sur le papier. Avant notre arrivée à Kaboul, le processus était fait à 90%, une dernière lettre devant être obtenue pour finaliser ce fameux « road pass ». Simple formalité, l’affaire d’une semaine normalement.

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A notre arrivée sur place nous apprenons que ce sera plus complexe !
Le ministère des affaires étrangères Afghan et celui du trafic routier sont devenus notre terrain de jeu quotidien. Six jours de plaisir intense, un jeu dont on est le héros et où chaque bureau a des règles différentes qui vous plongent dans la plus grande confusion (sans compter que quasiment personne ne parle anglais, ce qui n’arrange pas les choses, mais fort heureusement Aurel se débrouille bien en Dari).

Le Ministère des affaires étrangères Afghan

Il est situé dans une rue du centre ville barricadée par des véhicules militaires qui filtrent les allées et venues. Il se présente sous la forme d’un parc avec plusieurs bâtiments des années 70. Y entrer requiert une patience corsée. Une première fouille corporelle avant celle des sacs, puis on pénètre dans une grande pièce sombre avec un petit bureau que l’on ne peut voir tant il y a de monde autour.

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Le but du jeu est de récupérer un morceau de papier pour accéder au second poste de contrôle dans le parc. Il faut jouer des coudes pour accéder au bureau et tâcher d’attirer l’attention du seul employé terrassé par ces trente personnes qui lui crient dessus en lui tendant leur carte d’identité. Le bureau se transforme en table de jeu. Les cartes s’empilent, tombent, se mélangent, l’employé ne sait plus dans quelle direction donner de la tête, mais remplit ses petits papiers en double qu’il découpe ensuite à l’aide de ses ongles. Il ne faut pas arriver trop tard car les tickets sont en nombres limités (le papier est une denrée rare en Afghanistan apparemment). Pas facile de garder le moral car entre la pénurie de petits papiers, les heures de repas, les pauses prières et les absences de certaines personnes dans les bureaux, nous y passons 2 jours. Personne ne s’y retrouve (tout est archivé à a main dans et remisé dans des cagettes en plastique – Pas d’ordinateur), c’est le chaos. Le seul avantage qu’aient les femmes dans cette situation c’est qu’elles passent en priorité. Seconde fouille, ensuite c’est le tango. Un va et vient d’un bureau à l’autre où personne ne sait à qui nous renvoyer, les tampons s’accumulent et nous devons raconter notre histoire à chaque nouvel intervenant pour nous entendre dire que la seconde manche se déroule au Ministère du Trafic routier.

Le Ministère du trafic routier

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Dupont & Dupont

Un lieu hors du commun pour lequel nous avons par chance Farid à nos cotés, un homme de main envoyé par notre ami de Tolo TV. Svelte, le regard sombre, il connaît cet établissement par cœur ainsi que tous ses occupants. Trois étages de haut, Vingt cinq bureaux de long. Une gigantesque fourmilière dans laquelle viennent s’agglutiner quelques 2000 personnes par jour. Cartes grises, permis de conduire, amendes… La queue est longue et les heures d’attente infernales.

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Nous sommes fouillés à l’entrée principale et à chaque étage. Par chance notre ami Farid nous fait passer en premier à partout où l’on va. Et nous allons effectivement partout. C’est dans le bureau du commandant décoré de nombreux bouquets de fleurs en plastiques que tout a commencé. Après une interview pour la TV nationale (sous nos yeux éberlués, tout le monde se tenant au garde à vous dans le bureau), il nous invite à aller voir un collègue plus haut.

Nous voilà embarqués dans une régate au beau milieu d’une mer d’icebergs. Un jour, deux jours, il n’y a jamais de problème, tout va bien selon chaque bureau. Mais rien n’avance. Nous commençons à connaître chaque personne, mais personne ne daigne s’engager et prendre ses responsabilités sur le « road pass ». Nous travaillons avec un écrivain de rue qui nous fait les lettres officielles que nous devons présenter de nouveau à l’intérieur. Des va et vient incessants et épuisants nerveusement. On évoque la thématique du bakchich, nous offrons des porte-clefs tour Eiffel que nous avions achetés en lots à Paris.

Le lendemain, la nuit ayant apparemment porté conseil, le dernier mot du chef des chefs est un non catégorique. Il nous a fallu trois jours pour avoir une réponse.
« Allez voir au ministère des affaires étrangères, ils sont chargés de délivrer les « road pass » pour les véhicules de tourisme ! »

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Retour à la case départ, fouille corporelle, billet d’entrée, refouille, attente… Et cette fois ci, après deux minutes dans le bureau du chef, nous sommes invités à dégager les lieux rapidement. « Stop interrupting us and don’t waist our time… Go out !!! » Dixit le boss. Adieux veaux, vaches, « road pass ». Nous nous sentons si petits dans ce monde de fourmis.

Un plan B s’impose, il va falloir cogiter rapidement. Passer la frontière sans papiers, sans filets, face aux douaniers Iraniens qui ont de fortes chances de refuser notre entrée, et à Aurel d’abandonner le bus entre les deux postes frontières et de rentrer à la maison.

Ça passera ou ça cassera…

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Aurel impuissant devant la guérite qui fait office de bureau du contrôle technique.


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