Citius, altius, fortius (plus loin, plus haut, plus fort)
5 mai 2011

Cette devise des jeux Olympiques pourrait bien s’appliquer aux compagnies de transport Afghanes. Ici notre cher Combi Volkswagen s’apprête à parcourir un marathon épique. 1056 kilomètres de Kaboul jusqu’à Herat avec pour haltes des régions dont nous ne vanterons plus les charmes,
Les medias l’ont fait mieux que nous : Kandahar, Helmond, Nimruz... Une sorte de route des grands crus Talibane qui ferait fureur dans le guide Michelin. Avis aux amateurs…
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C’est le seul itinéraire vraiment carrossable pour rejoindre Herat. La route du centre qui passe par la superbe région de Bamiyan est impraticable sans un 4x4 de haute voltige.
Shakeeb et Aurel ont repéré une compagnie de transport qui en plus de transporter des passagers fait aussi du fret. Tous deux y vont au préalable 3 jours avant pour discuter du prix, des conditions de transport et de la garantie de retrouver le bus a l’arrivée.
C’est assez folklorique, l’Afghane technique comme ils disent. C’est bien simple, prenez un autobus français classique des années 70 qui n’est plus autorisé à la circulation en Europe, envoyez le en Afghanistan, posez lui une gigantesque galerie sur le toit et à l’aide d’une grue, chargez le de tout ce que vous pouvez.
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Ajoutez -y des autocollants partout sur le pare-brise. Ils servent à limiter la progression des fissures dans le verre et portent bonheur. Peignez-le ensuite avec des inscriptions ’’tendances’’ comme King of the road, Journey trip, Super eagle ou encore comfort your journey, et vous obtenez un bus typique prêt à l’emploi. L’objectif étant d’avoir sur le toit l’équivalent en volume du bus qui est cache dessous.
Minibus sur bus : Le combi voyagera sur le toit tel le jeune bébé requin ventousé à sa maman.
Le jour J de l’embarquement, Shakeeb m’annonce qu’il ne vaut mieux pas que je reste trop près de la scène. Il y a souvent des informateurs
Talebs à la gare routière et cela pourrait causer des ennuis au convoi de savoir que le véhicule sur le toit appartient à un étranger. Sympa comme nouvelle. Cela met du baume au coeur. Soyons fous, continuons.
Nous accompagnons donc combi jusqu’à la station de Kandahar, qui dès 8 heures du matin grouille de monde.
Ce lieu est tres étrange, à mi-chemin entre un cimetière routier et une exposition de Tinguely. Des centaines d’autocars bien rangés forment des allées étroites ou se mêlent piétons et marchands de pièces détachées. Un bon nombre des ces cars tombent en lambeaux, n’ayant plus de moteur ou étant brûlés.

Nous suivons un bus Mercedes qui possède un chargement dépassant tout entendement. Ce dernier, tournant dans une allée fait basculer son fatras et ne tient plus que sur 3 roues. Aussitôt une personne grimpe sur le toit et tente de redresser la marchandise. Rien à faire c’est beaucoup trop lourd.
Le chauffeur, habitué à ce genre de scénario entame une marche arrière tres rapide, tourne et freine sec, parvenant grâce à cette parade gravitationnelle à remettre son fardeau en place.
« Shakeeb , dis-moi, ils doivent être drôlement alerte les conducteurs pour faire ce genre de trajet. »
« Oh tu sais Aurel, ils fument du haschish tout au long du voyage, ça les relaxe, » me répond-il !
Mon estomac se resserre, nous continuons.

Je descends bien avant le bureau afin de laisser Shakeeb et le bus seul, observant de loin la situation sans être trop visible. Shakeeb s’occupe des formalités et au bout d’une demi-heure vient le camion grue. Pour soulever le Combi dans les règles il faut le sangler aux roues, ou sous le châssis. Bien sûr le grutier n’a pas de sangle ad-hoc et annonce que le seul moyen de le soulever sera par le toit, c’est ça ou rien. Ok, tentons.
Shakeeb demande à ce que l’on mette des coussins pour essayer de limiter les dégâts (voir article : http://www.combinations.fr/spip.php?article24&lang=fr).
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Je tache de garder mon calme à distance tout en restant discret, caché sous mon turban à 200m de la scène.
Je vois le combi petit à petit quitter le sol pour venir se poser comme une fleur sur la galerie de l’autobus, juste devant un 4x4 qui courra aussi ce marathon. Notre Combi arrivera-t-il le premier ?
C’est une bonne chose qu’il y ait un 4x4 sur ce toit. Au long du voyage, le convoi devra passer au travers de barrages Talebs. Ces derniers, si bon leur semble, prélèveront avec un portique-grue les véhicules intéressants à leurs yeux : véhicules tout terrains, voitures blindées ou modèles récents. Une sorte de dîme de la route. Par chance, les combis sont désuets et à priori inintéressant pour des Talibans. Croisons les doigts.
Nous pouvons donc détailler le prix du billet comme ceci :
Coûts réels du transport.
Bakchich pour les barrages de police.
Bakchich pour les barrages Talebs.
Haschish pour le chauffeur ?
Il faut normalement trois jours pour faire le trajet. Le bus doit partir à 7 heures du matin demain. Nous apprenons le lendemain que suite à une panne au départ de Kaboul, le convoi partira à 13 heures !
Ça ne commence pas bien, mais nous y croyons. Vu de haut tout ira mieux, courage combi !
